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Saipol reboosté par l’Oleo100

« Notre création de valeur doit être associée à du made in France », insiste Christophe Beaunoir, directeur général de Saipol, ici à l’usine du Mériot (Aube).

Après plusieurs années compliquées, Saipol déploie, à raison de « près d’un nouveau client par jour », sa nouvelle énergie, Oleo100, tracée et certifiée 100 % colza français, et s’oriente vers la valorisation du colza bas carbone.

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Depuis son autorisation en France début 2018, le B100 est un biodiesel qui peut être utilisé seul dans les moteurs diesels homologués B100. Alternative à l’électrique pour les camions, cette énergie substituable au gazole n’est autorisée que pour les flottes captives, donc indisponible à la pompe. Les transporteurs routiers s’y intéressent comme une solution pour verdir les trajets de leurs clients.

Une promesse isocoût

Depuis un an, Saipol, unique industriel sur ce créneau en France, a lancé son propre B100, nommé Oleo100, qui « respecte des standards de qualité au-delà de la législation nationale », avec comme cibles le transport routier et les collectivités locales (bus, ramassage des ordures ménagères…).

« Client par client, flotte par flotte, le service technique d’Oleo100 étudie les conditions pour passer isocoût avec Oleo100, puisque c’est notre engagement : le coût au kilomètre est identique à celui du gazole, indique Christophe Beaunoir, DG de Saipol. Cela peut prendre tout un tas de formes mais, déjà, on prend en charge la cuve, son installation ainsi que le coût du kit d’adaptation. » Dans l’Eure, les Transports Blondel Voisin, dont la moitié des véhicules roulent à l’Oleo100 et qui, d’ailleurs, acheminent régulièrement du colza, témoignent d’une légère surconsommation d’1 litre aux 100 km et d’une petite baisse de puissance, mais reconnaissent que « rien n’a changé, ni pour les camions, ni pour les chauffeurs ». Saipol a également des clients purement agricoles : Logivia (filiale transport de Dijon céréales, Bourgogne du Sud et Soréal), le groupe Bernard, Novial (la filiale alimentation animale de Noriap), et d’autres structures conséquentes sont en test. Aucun n’est encore intégralement Oleo100, alors que Saipol peut l’espérer d’ici 3 à 5 ans, avec le renouvellement des flottes.

Produite initialement dans son usine de Grand-Couronne (Seine-Maritime), cette innovation est depuis novembre fabriquée également au Mériot. Le but étant de faire du site aubois le principal point de production. Si un troisième devait basculer, ce serait Bassens (Gironde), dans une logique d’approvisionner le Sud-Ouest.

Vers du biodiesel premium

À terme, la volonté de Saipol est de répartir son portefeuille biocarburants, aujourd’hui de 1,4 Mt, demain de 900 000 t, et de dédier un tiers de cette capacité à Oleo100, un tiers pour l’export, notamment en Scandinavie, et un tiers de B7, « mais du B7 premium ». Déficitaire depuis de nombreuses années, l’industriel ne veut plus faire de ventes à perte. « Nous sommes dans une logique de ciblage pour être moins dépendants du marché des commodités. Mais cette premiumisation montre une forme de surcapacité qui nous donne à réfléchir à des solutions (cession ou partenariat) pour les sites de Sète et Montoir, pour lesquels on n’a pas trouvé de modèles et où nous sommes trop en risque », justifie Chris­tophe Beaunoir.

La sortie de ces deux usines, notamment Sète, 100 % importatrice de colza, ferait d’ailleurs remonter à la filiale d’Avril sa part de made in France (environ 50 à 70 % selon les années dans la configuration actuelle). « Notre raison d’être est de triturer des graines françaises », insiste-t-il. De là à bâtir un Saipol 100 % made in France ? « Ce n’est pas dans notre plan stratégique, car nous avons besoin dans certains cas d’opérer des arbitrages pour rester compétitifs. Mais notre création de valeur doit être associée à du made in France. »

Oleo100 porte déjà cet engagement 100 % français et veut même aller plus loin : « Aujourd’hui, on achète le colza au même prix que pour du biodiesel classique, ce sont les mêmes contrats, mais on va sans doute rapidement monter en gamme, notamment en proposant un Oleo100 local avec une labellisation régionale, et pourquoi pas aussi un Oleo100 à 80 ou 100 % d’économie de gaz à effet de serre par rapport au gazole (contre une promesse à 60 % aujourd’hui), en allant chercher des graines durables. Par exemple, jusqu’ici, la valeur environnementale des exploitations en ACS n’est pas valorisée économiquement. »

Isoler du colza bas carbone

Un sujet qui fait d’ailleurs le lien avec OleoZe, nouvel outil disponible sur la place de marché digitale de l’industriel, Oleomarket. « OleoZe est la solution de sourcing des graines de Saipol qui permet, grâce à un algorithme, de calculer, en fonction d’un certain nombre de pratiques, les émissions de GES de la culture du colza et du tournesol à l’échelle de l’exploitation et de lui donner une valeur économique », décrit le DG. Cela suppose que l’OS apporte la totale traçabilité de sa marchandise et raisonne non plus en valeurs par défaut Nuts 2, comme cela est fait aujourd’hui, mais en valeur réelle. Derrière, Saipol sera capable d’identifier ces lots-là et de les isoler. « On veut vraiment faire des OS des partenaires, en tant que collecteurs mais aussi en tant que fournisseurs de conseils, pour permettre aux agriculteurs de choisir des modalités de culture du colza plus vertueuses et les accompagner dans un nouveau pilier de valeur. » La filiale du groupe Avril évoque un bonus de l’ordre de « 20 €/t de graines » au final pour l’agriculteur. « Le seul moyen de redorer le blason du colza, c’est de redonner de la valeur, et s’assurer qu’elle percole bien dans l’économie », conclut Christophe Beaunoir.

Renaud Fourreaux

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